PROPOSOTION DE LOI VALLETOUX : DES CONSTATS ÉVIDENTS,
DES MESURES À CONTRE-COURANT.
La proposition de loi Valletoux risque d’aggraver l’état du système de santé, déjà entravé par la désertification médicale de notre territoire. Le texte prétend vouloir améliorer l’accès aux soins grâce à l’engagement territorial des professionnels, alors que les mesures proposées présentent un écart considérable avec la réalité.
La proposition de loi Valletoux sur l’accès aux soins sera débattue à partir de ce lundi 12 juin à l’Assemblée nationale. Ses mesures vont à contre-courant des ambitions affichées et partagées par l’Union Régionale des Médecins Libéraux de Martinique (URML) pour améliorer l’accès aux soins. La santé est devenue la première préoccupation des Français du fait de la dégradation continue de l’accès à des soins de qualité.
Les attendus de cette proposition de la loi censée améliorer l’accès aux soins partout en France sont partagés par tous :
« La santé est devenue, ces dernières années, la première préoccupation des Français (…) et doit donc être la première préoccupation du législateur. »
« 87 % du territoire est un désert médical (…) 45 % des médecins généralistes seraient en situation de burn‑out. »
« Le fonctionnement de notre système de santé est complexe, suradministré et historiquement trop centralisé. »
« Trouver des solutions concrètes à la crise actuelle de notre système de soins (…) par les acteurs de terrain eux‑mêmes, en encourageant une meilleure coordination. »
Chargée, entre autres missions, de participer à l’organisation des soins en Martinique, l’URML est inquiète :
En Martinique, la démographie médicale est vieillissante avec 29% des médecins libéraux ayant plus de 65 ans toutes spécialités confondues (27% pour les médecins généralistes).
De même qu’à l’hôpital, les médecins libéraux sont surchargés et épuisés.
Certaines spécialités sont en sous densité, voire en voie de disparition et nous travaillons de façon prioritaire actuellement sur l’attractivité avec l’ensemble des acteurs de l’organisation des soins de la région.
Une politique de santé doit tenir compte des besoins de la population et des réalités du territoire et ne peut donc se faire sans les acteurs de terrain.
Pourtant les mesures proposées dans ce texte ne feront qu’aggraver ces constats :
- Les articles 1 et 2 sur la mise en place d’un Conseil Territorial de Santé (CTS) va à contre-courant de la volonté de simplification et de décentralisation de notre système de santé en proposant l’ajout d’une strate administrative supplémentaire et en rendant possible sa gestion exclusive par l’État à travers les ARS qui, de l’avis de tous, ont montré leurs limites notamment lors de la crise COVID.
- L’article 4 sur la participation obligatoire à la permanence des soins des établissements viendrait d’une part, accroître la charge de travail des médecins libéraux, ceux-ci ne pouvant pas bénéficier de repos compensatoire après un service de garde et d’autre part, impacter l’attractivité de notre territoire déjà fortement carencé. De plus, la permanence des soins, en établissements et en ambulatoire, est déjà effective avec une couverture complète de la Martinique. Là encore la coercition sera contre-productive, surtout dans la période actuelle qui voit de trop nombreux soignants remettre en cause leur orientation professionnelle et renoncer.
- Les articles 5 et 7 concernant les médecins en formation et en début de carrière par leur nature coercitive risquent de contribuer à une baisse d’attractivité de l’exercice médical hospitalier ou libéral pour nos jeunes confrères sur lesquels la population compte pour assurer la relève.
- Les articles 9 et 10 concernant le recrutement des médecins hors communauté européenne ne respectent pas l’égalité de statut des médecins au sein d’un même établissement et contribuent à dégrader l’offre de soins des pays en développement dont ils sont issus. Leur intégration est parfois longue et sollicite significativement les moyens de formation. Le recours à leur recrutement ne peut être généralisé et la qualité de leur intégration doit être prise en compte.
Cette proposition de loi va, une nouvelle fois, à l’encontre des attentes des professionnels, notamment des médecins libéraux et ne leur donne pas les moyens d’offrir à tous les Français un accès légitime à des soins de qualité. Dans la continuité de 40 ans de décisions administratives à courte vue, elle va à l’échec et remet en cause la réorganisation des soins que nous menons en Martinique à travers l’attractivité et la réorganisation des acteurs de terrain autour du patient.
L’URML continuera participer à l’amélioration de l’offre de soins en Martinique en soutenant les médecins libéraux et en s’opposant à des mesures coercitives comme celles-ci.
Dr Etienne BRIAND, Secrétaire général.